14 octobre 2011

Les joueurs surpayés ne le sont pas toujours sans raison: la malédiction des franchises de second plan


Rashard Lewis, Joe Johnson, Rudy Gay, pas mal de monde tape sur les trop gros contrats de certains NBAers comme causes de l'épineux lock-out qui nous tient les nerfs actuellement. Mais parmi ces joueurs, tous ne sont pas surpayés sans raison et ces décisions des franchises de leur proposer un salaire qui surplante leur valeur réelle ne sont pas toutes marquées du sceau de l'idiotie (même si des fois... enfin, bon).

En effet, poser un peu plus de dollars sur la table que de rigueur est parfois la seule possibilité pour des franchises moyennes, en développement ou peu attractives d'attirer des free agents de fort calibre ou tout simplement de conserver ses meilleurs joueurs. Parce qu'il faut bien l'admettre -et le lock-out vient aussi de là-, face à la concurrence des gros marchés bien aguicheurs comme New York, Los Angeles ou Chicago, la plupart n'ont pas les armes pour rivaliser.

Tout le monde s'en prend à l'énorme contrat de Rashard Lewis mais sa venue à Orlando et son association avec Dwight Howard ont complètement changé le standing de la franchise floridienne. Or, avec 22,4 points de moyenne sous le maillot de Seattle, Lewis était un des plus gros free agents du marché et certainement un des plus courtisés. Donc aligner le maximum de pognon était le moyen le plus sûr pour le Magic de conquérir l'ailier au nez et à la barbe des autres franchises qui l'avaient dans le viseur, et plus particulièrement de celles qui étaient en meilleures positions (on a parlé de Houston qui sortait d'une saison à plus de cinquante victoires alors qu'Orlando n'en affichait que quarante).

Sans taillader dans la trésorerie comme ils l'ont fait, les floridiens prenaient le risque de le voir signer ailleurs et de faire une croix sur cette association avec Howard qui a si bien fonctionné par la suite. Sans ce contrat adipeux, le Magic serait peut-être resté une équipe luttant pour les dernières places des playoffs au lieu de la grosse cylindrée de l'Est qui a caressé des espoirs de titre lors de ces dernières années. Après, est-ce que la nouvelle dimension de la franchise valait toute cette débauche d'argents? Ça, c'est une autre question. Mais on ne peut pas décemment dire que ce volumineux contrat offert à Lewis n'était que la conséquence fâcheuse d'une folie passagère de la franchise bleue ou de la gueule de bois d'une soirée beaucoup trop arrosée. Ce surcoût dans le bail du combo forward a en réalité été le prix à payer pour pouvoir ravir l'ailier aux autres franchises intéressées.

C'est toutefois surtout pour tenter de conserver ses stars et plus précisément les perles qu'elles ont draftées en haut de tableau trois ou quatre ans avant que l'option "gros sous" devient extrêmement utile. Ces talents qui ont été distribués aux équipes les plus faibles en deviennent parfois les figures de proue, locomotive sur le terrain et égérie en dehors où ils font office de véritable ancre médiatique attirant l'attention et du public dans les salles et les boutiques du club. Ce sont eux qui portent la marque de la franchise, qui font naître un engouement autour d'elle et qui créent un lien avec les fans. D'ailleurs, contrairement aux franchises charismatiques en elles-mêmes comme les Knicks ou celles qui trônent dans les sommets de la ligue, ces stars constituent le seul vecteur de popularité de ces équipes moins bien loties. En perdant un tel joueur sans contrepartie, telle une franchise perd plus qu'un excellent basketteur, elle perd une grande partie du bénéfice sportif, médiatique et économique qu'elle a construit au fil des dernières années.

C'est, je pense, pour éviter de faire un tel pas en arrière que Memphis en est venu l'été dernier à offrir un si gros contrat à son jeune et emblématique leader Rudy Gay, un contrat certainement supérieur à la véritable valeur de l'ailier (c'est à peu près le même que celui de Kevin Durant). Les Grizzlies n'avaient alors pas encore montré de quel bois ils se chauffaient mais ils commençaient déjà à s'extirper des profondeurs collantes du classement et à gagner un degré de respect qu'ils n'avaient pas souvent connus au cours de leur courte et difficile histoire. Donc perdre Rudy Gay à ce moment-là aurait été un sérieux coup de canif dans leur élan mettant à mal un projet sportif qui commençait tout juste à aboutir à quelque chose d'intéressant, et un gros camouflet pour les fans.

Le problème, c'est qu'il fallait convaincre l'intéressé de rester. Et je ne brise aucun tabou en disant que porter le maillot des Grizzlies n'a pas a autant de gueule que porter celui des Knicks, des Bulls ou des Celtics tout comme être un célèbre basketteur à Memphis n'est pas aussi excitant que l'être à New York, Chicago ou Miami. L'ailier aurait aussi pu être tenter d'aller voir du côté d'une équipe plus compétitive et bien mieux placée dans la course au titre. Qu'importe les progrès et les promesses de la jeune franchise du Tennessee, ils n'auraient pas fait le poids contre l'assurance d'aller en playoffs chaque année sans être promis à une élimination répétée au premier tour.


Ainsi, Rudy Gay avait sous les yeux suffisamment de raison de quitter Memphis pour que les Grizzlies s'en inquiètent et prennent peur de perdre en même temps que lui tous les efforts des précédentes années avant même de pouvoir en goûter les fruits. Face à cela, que pouvaient-ils faire d'autre pour avoir une chance de le convaincre de rester que de lui montrer à quel point ils tenaient à lui en alignant un maximum de zéros sur son chèque?

Dans une situation semblable, Toronto n'avait pas réussi à convaincre le premier choix de draft de son histoire et très performant meneur, Damon Stoudamire (19 points, 8 passes pendant deux et demi, il a été échangé à la mi-saison parce qu'il avait refusé les propositions de prolongation de contrat des Raptors et risquait de partir en free agent l'été venu) et avait pratiquement dû repartir d'une feuille blanche avec leur nouveau super rookie, Vince Carter. Ne pensez-vous pas qu'avec Stoudemire à la place du vaillant mais faiblard Alvin Williams en meneur titulaire aux côtés du Human Highlight Film de North Carolina (et du jeune Tracy McGrady), la franchise canadienne aurait eu de meilleurs jours qu'elle en a eu tant au niveau sportif que de son image? Il ne faut pas sous-estimer le bienfait de capitaliser sur ses actions passées, particulièrement quand il s'agit d'un franchise de petite ou moyenne envergure.

Encore une fois et comme pour Rashard Lewis, il ne s'agit pas ici de dire que Memphis a eu raison de dévaliser son propre coffre-fort pour Gay mais de montrer qu'elle ne l'a pas surpayé sur un coup de tête ou pour le simple plaisir de sortir de l'argent de la banque. Que ce surcoût était en fait le prix qu'à dû payer une franchise modeste pour pouvoir garder son joueur étendard. Après, est-ce que ça en valait le coup, ça chacun peut se faire une opinion là-dessus.

D'ailleurs, le cas de Joe Johnson est un exemple de ce qui "n'aurait pas valu le coup". Les Hawks voulaient eux aussi garder leur leader emblématique et principal artisan de leur retour permanent en playoffs, et en voyant arriver Chicago, New York et New Jersey, futur Brooklyn, les poches pleines de billets verts et de promesses de gloire livrées avec leur statut de gros marchés, ils se sont dit qu'il aller falloir mettre le paquet pour convaincre l'arrière de rester en Géorgie. Les Knicks notamment constituaient un concurrent très, très dangereux. Ils avaient une faim rageuse de stars et une marge indécente sous le salary cap qui leur permettait de dépenser des dollars à la pelle, comme ils l'ont d'ailleurs montré avec Amare Stoudemire (Phoenix, en voilà un exemple d'équipe qui a beaucoup perdu en refusant de proposer un contrat surdosé à son ailier fort et qui le regrette peut-être aujourd'hui). Non content d'être installé dans un marché super attractif et charismatique, les Knicks avaient aussi la capacité d'offrir à Johnson un très gros contrat. Cela bien fiché dans leur tête en même temps que la volonté absolue de garder leur pièce maîtresse, les Hawks en sont venus à se saigner aux quatre veines.

Et ils ont atteint leur but. Pour leur plus grand malheur certainement. Il est évident qu'en faisant une offre "correcte" à leur arrière et en refusant de faire monter les enchères, ils auraient pris le risque de le voir succomber aux appels des sirènes new yorkaises ou chicagoanes. Et évidemment, son départ sans contrepartie pour un camp ennemi auraient eu des conséquences difficiles à encaisser. Les fans leur auraient soufflé dans les bronches pendant un bon moment, leur potentiel économique aurait pris un petit coup dans l'aile et sportivement, leur équipe aurait été indubitablement moins compétitive.
 
Mais tous ça n'étaient que des petits soucis comparé à ceux que l'encombrant contrat de Johnson risque désormais de provoquer. Ce contrat est en effet beaucoup trop volumineux en long et en large pour un joueur de 29 ans (il touchera 25 millions lors de la dernière année de son bail, en 2015; il aura alors 35 ans) qui ne fait pas partie des dix meilleurs joueurs de la ligue, plus encore dans un effectif à la masse salariale boursoufflée et dont les performances sportives stagnent sérieusement. Le perdre aurait été un véritable pas en arrière mais le signer à ce prix-là a été deux pas en avant dans un buisson de ronces. Je n'arrête pas d'écrire dans cet article que la plupart des joueurs majeurs ne sont pas surpayés sans raison, que le surcoût de certains contrats était un mal nécessaire au maintien du franchise player dans l'équipe. Mais là, tout ça n'en valait pas la chandelle.

Observez bien les Timberwolves de Minnesota, ils rencontreront vraisemblablement le même dilemme prochainement avec leur le seul rayon de soleil qui a percé l'éternelle grisaille dans leur ciel et le seul motif de fierté et peut-être d'espoir qu'ils peuvent chérir pour le moment, Kevin Love. A mes yeux, l'intérieur n'est pas un joueur qui mérite le contrat d'un franchise player mais le perdre en free agent serait un nouveau coup dur et un sacré mauvais message envoyé aux fans et aux autres talentueux membres de l'effectif. Comment voulait-vous convaincre tout le monde de se donner à fond pour un projet collectif lorsque ceux qui en sont les pierres angulaires ne pensent qu'à se barrer à la première occasion?

Réussir à conserver le All-Star, premier joueur à emmener les couleurs de la franchise enneigée au match des étoiles depuis Kevin Garnett, serait au contraire un message très fort, peut-être susceptible de lancer une dynamique sans compter qu'il est aussi un véritable personnage médiatique comme les Wolves n'en ont pas souvent connu. Mais comment convaincre quelqu'un qui a toutes les raisons de quitter ce nid à défaites et à quolibets de continuer de porter leur étendard? En lui donnant plus d'argents que ne le voudront les autres franchises comme Memphis l'a fait pour Rudy Gay, donc en lui donnant plus que ce qu'il mériterait. Le feront-ils? Ne préféreront-ils pas faire un pas en arrière dans leur développement plutôt que de le surpayer (sachant qu'il y a Derrick Williams qui pousse derrière)? Ça sera la question qui courra toute l'année sous la saison de la franchise du nord des Etats-Unis.

StillBallin

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je pense que le but de ce lockout est d’éliminer ce besoin de surpayer pour des joueurs juste à cause des autres équipes qui peuvent aussi surpayer pour des joueurs. La ligue veut créer un system où les équipes n’ont même pas le choix de payer autant pour ces joueurs (Joe Johnson, Rudy Gay, Rashard Lewis).

Je pense que l’autre côté de la médaille est que la ligue veut aussi limiter la mobilité des joueurs pour qu’ils ne soient pas capables de changer d’équipe aussi facilement qu’aujourd’hui. Ce qui veut dire, que les joueurs risquent de perdre de salaire, sans gagner de la mobilité. Je pense aussi que le cas d’un joueur comme Kevin Love montre bien les problèmes du model actuel. Un tel joueur ne devrait jamais avoir un contrat de « franchise player », mais sans une telle offre il quittera l’équipe aussitôt que possible.

Je gagerais que les joueurs vont bientôt accepter une offre semblable à celle que la ligue offre maintenant. Malheureusement c’est la ligue qui va être capable de se tenir jusqu’à ce que la détermination des joueurs soit affaiblie suffisamment pour leur faire signer un contrat favorable à la ligue.

StillBallin a dit…

C'est vrai que les proprios ont l'air de mener la danse mais j'espère qu'ils n'auront pas l'occasion de pousser le bouchon trop loin et de le fixer sur papier.

Je ne sais pas trop où ça en est mais l'idée que j'ai parfois entendu de pouvoir casser n'importe quel contrat une fois par an (comme celui de Joe Johnson ou de Gilbert Arenas) par exemple, est abusé.

De mon côté, je verrais plutôt des légers ajustements au CBA en faisant simplement en sorte de durcir un peu la luxury tax (payer 3 ou 4 dollars de taxe pour chaque dollars dépassant le salary cap au lieu d'un seul actuellement) histoire de rendre le truc plus dissuasif. Assurer une meilleure péréquation entre les franchises aussi.