10 novembre 2012

Ce sentiment qu'Oklahoma City est en train de transformer l'or en bronze


A quelques jours de la fin de la période permettant encore de prolonger ses joueurs, la jeune franchise finaliste a décidé de trancher dans le vif: James Harden, leur dernière pièce majeure pas encore ficelée à l'effectif par un bail longue durée, a été transféré au premier venu à peine un battement de cil après qu'il ait refusé l'offre de contrat qu'elle avait posée sur sa table. Par ce geste aussi soudain qu'un couperet qui tombe, elle a gribouillé un autre avenir sur celui qui semblait lui être promis.

Il se pourrait maintenant qu'on se retrouve dans quelques temps à fixer un point invisible, les yeux dans le vague, l'esprit occupé à se demander ce qu'il serait advenu si le Thunder n'avait pas pris ce brusque tournant. La nouvelle forme de l'équipe oklahomane ne rivalisera peut-être pas avec ce destin prévu initialement et alors on se demandera qui était le responsable de cette déviation malheureuse. James Harden lui-même parce qu'il aura refusé l'opportunité de rester avec Kevin Durant et sa clique pour plus de dollars et de gloire? Le GM Sam Presti parce qu'il a misé sur le mauvais cheval et en a laissé partir un qu'il ne fallait pas? Le système NBA qui ne permet pas aux villes moyennes comme Oklahoma City d'aligner les billets verts avec la même aisance qu'un flambeur de casinos pour conserver ses meilleurs joueurs? Si le Thunder ne gagne pas de titre dans les cinq ans à venir, je sais très bien laquelle de ces options je pointerai du doigt.


Quand Oklahoma City prend James Harden pour une truffe.

Première chose concernant James Harden: il faut arrêter ces bêtises de sixième homme. Harden n'est pas le sixième homme du Thunder, il en est le troisième comme son temps de jeu et son nombre de tirs pris l'indiquent. Il n'est pas non plus un remplaçant puisqu'il n'y a pas un meilleur joueur à son poste qui l'empêche d'être un titulaire. Commencer ou non les matchs n'est qu'une chose anecdotique depuis que les rencontres ne se gagnent pas dès les premières minutes (et il me semble bien que c'est comme ça depuis toujours).

Deuxième chose, Harden est à mon avis un plus grand facteur de victoire que ne l'est Russell Westbrook (et est donc un meilleur joueur). Toutes les excellentes choses que fait Westbrook sur le terrain sont partiellement annulées par ses ses défauts : un besoin d'avoir le ballon dans les mains et en même temps l'oubli récurrent qu'il a des coéquipiers autour de lui, dont un qui est plutôt doué pour ce sport, ainsi qu'une sélection de tirs très perfectible. Harden a lui aussi des défauts et des limites mais ils ne sont pas aussi préjudiciables pour son équipe: il est un attaquant à mes yeux aussi prolifique que Westbrook (il marquait presque 7 pts de moins que lui mais en prenant 9 tirs de moins ! ) et plus efficace qui, lui, peut s'insérer dans un collectif.

Il offre aussi une palette offensive plus large que Westbrook (shoot, jeu sans ballon, création pour ses coéquipiers en plus du jeu de pénétration qu'il a en commun avec le n° 0) ce qui lui permettait de contribuer positivement dans la plupart des situations que la rencontre est susceptible de lui opposer. Et enfin, s'il n'est pas un pur playmaker, il peut jouer aux côtés d'un tel joueur, toujours extrêmement précieux pour une équipe. Alors que Westbrook et son besoin d'avoir le ballon dans les mains pour produire ne le peuvent pas (et ne le veulent pas?).

James Harden a été mauvais lors de la finale contre Miami. Mais c'est la première fois qu'il failli vraiment dans un grand moment. Jusque-là, il était parfait et même décisif dans pratiquement tous les matchs de playoffs qu'il a joué pendant que Westbrook en a donné pas mal aux adversaires. Le meneur qui n'en est pas un est un meilleur défenseur et a un plus gros impact athlétique mais pas de façon suffisamment prégnante sur un match par rapport à Harden pour demeurer un meilleur joueur à mes yeux. Et je suis prêt à parier que l'arrière barbu pensait exactement la même chose. Alors que pensez-vous qu'il s'est dit quand le Thunder a offert un contrat maximum à son coéquipier croqueur sans la moindre hésitation alors qu'à lui ils lui ont demandé d'accepter moins d'argent?

Après avoir logiquement offert un contrat au montant maximum à Kevin Durant, la franchise oklahomane savait que trois de ses joueurs majeurs -Harden, Westbrook et Serge Ibaka - jouaient encore avec leur contrat de rookie et qu'il allait bientôt falloir les prolonger à un montant largement supérieur dans peu de temps. Elle a eu le temps d'élaborer une stratégie pour essayer de les conserver tous ainsi que des plans B, C et D. On ne peut pas dire que ce n'était pas une situation prévisible.

Durant toute cette période, elle a donc fait les choses comme elle voulait les faire. Et ces choses-là ont été de filer le plus gros contrat possible à Russell Westbrook sans discuter, d'en offrir un moins gros mais quand même bien volumineux (12 millions/an) à Serge Ibaka qui, il faut bien l'admettre, n'est pour l'instant qu'un fabuleux role player là aussi sans trop se poser de questions, et quand ça a été au tour d'Harden, plus efficient que Westbrook et plus décisif qu'Ibaka, elle lui a demandé de faire des sacrifices financiers (qui impliquent aussi un statut moindre au sein de l'équipe) pour leur permettre de conserver cette belle équipe sans mettre en péril leur santé économique. J'aurais refusé le contrat en balançant une chaise contre un mur à sa place.

Pourquoi on lui demande de faire un effort financier et statutaire à lui mais pas à Westbrook, ni à Ibaka alors qu'il apporte plus et ne cause aucun problème dans le jeu comme ce bon Russell? Pourquoi serait-il le seul à se priver pour maintenir la "famille" OKC en l'état? Une injustice tellement flagrante qu'elle se double de l'insulte. Les dirigeants du Thunder ont voulu prendre leur arrière pour une bonne poire et lui les a envoyés balader, tout simplement. La suite n'est pas plus honorable pour la franchise puisqu’après le transfert qui a eu lieu seulement quelques heures après le rejet de la prolongation, elle a laissé entendre avec une résignation rétrospectivement plutôt marrante que c'est le shooting guard qui, par son refus, est le responsable du démantèlement prématurée de cette équipe promise à un avenir mythique. Le prendre pour une truffe n'était pas suffisant, il a fallu en plus qu'elle mette la déception des fans sur le dos d'Harden et de sa soi-disante cupidité.

Si OKC avait également demandé à Westbrook et à Ibaka de signer un contrat moins volumineux, vous ne pensez pas qu'Harden aurait été enclin à faire des sacrifices à son tour? LeBron James, Dwyane Wade et Chris Bosh avaient fait ce sacrifice financier collectif pour être réunis. Et qu'on ne me dise pas que la franchise a fait passer l'intérêt collectif avant les intérêts personnels parce que si ça avait été le cas, c'est Westbrook et son jeu de meneur croqueur pauvre en playmaking qui auraient pris la porte.


Quand Oklahoma City aurait pu éviter cette situation.

Ce problème de masse salariale et de prolongation était dans l'horizon du Thunder depuis longtemps. Depuis qu'Harden et Ibaka ont définitivement prouvé qu'ils étaient des joueurs de très grands talents en fait. A ce moment-là, Durant, Westbrook et ces deux-là étaient encore sous le coup de leur modeste contrat rookie et on savait bien qu'il allait falloir échanger ces contrats contre d'autres d'une bien plus grande taille. Malheureusement, la franchise n'a rien fait pour se donner l'opportunité de parvenir à cela sans mettre en péril ses finances. Le premier pas en direction de ce destin un peu triste qui a trouvé sa conclusion la semaine dernière a eu lieu deux ans et demi auparavant avec l'arrivée de Kendrick Perkins. Du moins, pas son arrivée en elle-même qui a amélioré l'équipe en solidifiant le poste de pivot et en permettant à Ibaka d'émerger, mais sa prolongation de contrat immédiate de 8 millions de dollars par an en moyenne.

C'est beaucoup trop pour un joueur qui apporte des choses mais dont les limites s'imposent aussi grandement à l'équipe, notamment quand on sait qu'on devra prolonger des joueurs bien plus "impactants" derrières. Déjà là, OKC aurait dû se contenter d'offrir un contrat moitié moindre au pivot grognon ou de le laisser partir en free agent l'été suivant pour mettre la main sur un pivot moins cher ou alors suffisamment bon pour que la franchise puisse se permettre de perdre Ibaka, Westbrook ou Harden le moment venu (j'avais Marc Gasol en tête). Mais là, la franchise a mordu sur le salary cap plus qu'il n'était nécessaire et aujourd'hui, elle prend cette erreur de plein fouet dans les dents. Et qu'on ne vienne pas me dire que ce n'était pas prévisible.

Le second faux-pas est plus délicat. Il s'agit de la prolongation de contrat de Kevin Durant. Ne ruez pas dans vos brancards avant de me laisser finir ; bien sûr que le presque MVP est censé avoir un contrat maximum. Il en avait d'ailleurs signé un sans discuter et avec un gros sourire peint sur les lèvres. L'avenir de l'ailier était ficelé à la franchise Oklahomane pour 5 ans et plus personne n'y pouvait rien. Mais alors pourquoi les dirigeants ont choisi quelques temps plus tard de revenir dessus pour lui en offrir un encore plus gros par la vertu d'une toute nouvelle règle, la "Derrick Rose Extension", qui permet sous certaines conditions particulières d'offrir beaucoup plus de thunes à une superstar qui a encore son contrat rookie ?

Durant remplissait parfaitement les conditions et méritait un tel contrat mais pourquoi rogner encore plus sur la masse salariale alors qu'il avait déjà accepté et signé un contrat moindre? Cette nouvelle règle a pour but de permettre aux équipes de proposer beaucoup plus d'argents à leur super rookie éviter qu'il se barre ailleurs mais Oklahoma City n'avait pas besoin de la mettre en œuvre puisque Durant avait déjà bouclé son avenir avec eux ! C'est sympa de faire ça pour Dudu mais si c'est pour perdre Harden après, la générosité n'est vraiment pas bien payée. Pour ne pas dire stupide parce que la franchise savait qu'elle devait manœuvrer sa masse salariale au millimètre près pour garder son formidable potentiel sur le long terme.

Dernier point qui aurait pu éviter le départ d'Harden, mais je l'ai plus ou moins déjà évoqué, ce sont les prolongations de Westbrook et d'Ibaka faites là encore dans un élan de générosité inapproprié. Les dirigeants Oklahomans savaient qu'après avoir filer un pactole à Durant, ils avaient encore trois joueurs majeurs à faire resigner, les deux pré-cités et Harden. Alors pourquoi bourrer de billets les sacs à dos de Westbrook et d'Ibaka comme s'ils étaient Charles Foster Kane? Pourquoi ne pas jouer la carte "on a une superbe équipe mais on est un petit marché alors pour la garder en l'état il faudra que vous fassiez des sacrifices financiers" dès les discussions avec Westbrook?

La période de prolongations pour Ibaka et Harden était ouverte en même temps, est-ce qu'il n'aurait pas été plus malin de réunir les deux joueurs dans un pièce avec leurs agents en leur chantant leur refrain sur la nécessité de ne pas faire péter la masse salariale pour pouvoir garder l'équipe intact? Placés chacun l'un à côté de l'autre, je pense qu'il leur aurait été difficile de faire éclater l'équipe en se montrant trop obtus quand à leur prétentions salariales. Je parie qu'Harden aurait dit banco pour 12 millions par an et Ibaka pour 9. Et dans l'absolu j'aurais fait ça bien avant avec Westbrook et même peut-être Kevin Durant. OKC avait l'immense chance de pouvoir jouer sur l'affectif et le projet déjà réussi d'être dans les hautes sphères du championnat pour éviter de lâcher trop de blé, elle ne s'en ait pas servi. Et elle a perdu Harden, le lieutenant que Durant aurait mérité d'avoir.

Après, le Thunder voyait peut-être en The Beard l'élément le moins intéressant de son ossature et qu'il voulait conserver Westbrook et Ibaka à tout prix. Qu'Harden ne valait le coup d'être prolongé que s'il ne demandait pas trop d'argent. Je peux le comprendre (même si je me dirais tout de suite après que c'était peut-être pas ce cheval-là qu'il fallait mettre en balance) mais alors pourquoi la franchise n'a pas sauté sur l'occasion "Dwight Howard" ? Le Magic voulait du très jeune et les plus forts possibles en la matière. Harden, 23 ans, semblait parfaitement coller à ce profil. Dommage, non?


Quand Oklahoma City en ressort moins fort.

En échange du n°3 de la draft 2009, les Turquoises ont reçu Kevin Martin et Jeremy Lamb, deux shooting guards plutôt shooteurs, fins comme des pieux et assez discutables en défense. L'un a 29 ans, un contrat de 12 millions qui se termine cette année et il est la contrepartie immédiatement utilisable (17,1 pts de moyenne à Houston), celle qui devrait permettre au Thunder de maintenir ses ambitions actuelles malgré le départ d'Harden. L'autre a 20 ans et est supposé être la relève de l'autre (ça va poser une bonne ambiance rapidement ça, non?). Deux joueurs de talent certes, mais également deux joueurs aux profils pas forcément satisfaisants pour une équipe aux ambitions de titre comme OKC.

Kevin Martin est un scoreur prolifique et constant mais pas vraiment efficace (un moche 41% de réussite aux shoots l'année dernière). Il n'est pas non plus un défenseur ne serait-ce que correct et il trimballe un peu l'image du gars qui mets beaucoup de points mais à chaque fois dans des équipes assez faibles (seulement 6 matchs de playoffs, c'était en 2006). En récupérant l'ancien Rocket et King en échange d'Harden, le Thunder a donc perdu en justesse de jeu, en défense et en expérience du très haut niveau (pour ne pas dire en "winning spirit"), trois éléments à mon avis décisif dans la conquête d'un titre. Le Thunder arrivera peut-être à compenser tout ça mais ce sera une ressource supplémentaire dépensée pour éviter de reculer plutôt que pour progresser.

Harden apportait aussi une dose de playmaking vraiment salvatrice pour cette équipe au collectif sporadique. Martin ne pourra pas en faire autant et même si Eric Maynor est de retour pour prendre le relai, l'équipe oklahomane ne va pas dans le sens d'une amélioration de son jeu collectif. Or, c'est peut-être dans ce secteur qu'elle a le plus de marge de progression. Quand on connaît son niveau malgré cette faiblesse, comment ne pas se dire que ce point est la clé pour avoir la ligue à ses pieds? Malheureusement, elle est allé dans le sens inverse avec ce transfert.

Quant à Jeremy Lamb (1,95 cm, Connecticut), il n'est pas plus le chaînon manquant que ne l'est Martin. Et pour cause, il présente un profil très comparable. L'ancien sophomore des Huskies avait le talent offensif pour être drafté dans le top 5 cet été, il a fini en douzième place. Les 17,7 points de moyenne à un très bon 47,8% de réussite qu'il a passé en NCAA dans une équipe qui marchait sur la tête et en dépit d'une préférence pour les tirs à moyenne et longue distance ainsi que d'une sélection de tirs assez perfectible, témoignent ardemment de ses belles capacités à scorer. Là s'arrête néanmoins la partie "points forts" de son descriptif. Son manque d'implication en défense, sa petite tendance à jouer pour lui avant tout et ses moments de passivité ne sont qu'en partie compensées par ses talents d'attaquants. Si Lamb est un jour appelé à prendre la relève d'Harden et de Kevin Martin, OKC risque de devoir faire avec ces défauts-là, comme elle devra déjà le faire aujourd'hui avec K-Mart. En recrutant les deux arrières, la franchise a aussi récupérer des freins qu'elle n'avait pas avec Harden.

Restent les choix de draft du premier tour qu'elle a obtenus dans la transaction. Celui de Dallas demeurera à Dallas si il est dans le top 20, donc le Thunder devra en principe se contenter d'un role player. Toujours une bonne chose mais rien de bien excitant non plus. Celui qui est fixé sur les résultats de Toronto l'est beaucoup plus. S'il est au-delà de la troisième place, il ira dans les poches oklahomanes et les dirigeants de Durant and Co auront peut-être une chance de mettre la main sur un meilleur remplaçant à Harden que Martin ou Lamb. Les Raptors se sont toutefois pas mal renforcés cette année (Kyle Lowry, Jonas Valanciunas, Landry Fields) et avec une Conférence Est aussi molle, ils feront peut-être les playoffs. En plus d'avoir la satisfaction de poursuivre leur aventure en post-season, ils auraient celle de filer à OKC un pick beaucoup moins intéressant que prévu. Au delà de ça, un choix de draft aussi bien placé soit-il est une carte retournée. Elle peut révéler un as comme un deux de trèfle.

Le Thunder fera partie de l'histoire de cette décennie, c'est certain. On ne sait pas encore quel sera son rôle mais à n'en pas douter, on se retournera souvent sur cet été 2012 si jamais il ne parvient pas à en avoir un à la hauteur de son jeune leader, Kevin Durant. On y reviendra aussi à chaque fois que le n°35 et Harden se rencontreront. Et avec un peu de chance, on aura droit à un duel épique et lourdement chargé.

StillBallin

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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