22 janvier 2013

London Calling

Par Jeffzewanderer

Mercredi 16 janvier 2013, pour la deuxième fois de son histoire, la NBA offre un match de saison régulière aux habitants du vieux continent (bon techniquement c’est la troisième fois, vu qu’en 2011 on avait eu deux matchs d’un coup). Encore une fois c’est Londres qui a été choisie pour accueillir le grand Barnum d’un David Stern aux velléités exportatrices de balle orange. Non que l’Albion pas si perfide soit une grande terre de basket, mais on y trouve une des rares salles conformes aux exigences de la ligue américaine : l’O2 Arena.

Bis repetita donc, et cette fois le fan européen est plus gâté. Il y a deux ans on avait eu droit aux Nets version New Jersey (avant qu’ils ne soient cools et accessoirement qu’ils n’aient une équipe) et aux Toronto Raptors (pour eux rien n’a changé, c’est toujours aussi triste). Cette fois on a toujours une joyeuse bande de bras cassés qui se tapent la transatlantique, à savoir les Detroit Pistons (15v-25d avant le match). Mais en face, à défaut des Bulls du Britannique Luol Deng, on a droit aux New York Knicks.

Bon, en fanatique des Knickerbockers je suis partial, mais même les pires médisants reconnaîtront que cette année la franchise peut mettre en avant autre chose que son aura de légende. 25 victoires pour 14 défaites et une belle deuxième place à l’Est, le tout derrière un Carmelo Anthony en mode MVP (ou MVPresque ces dernières semaines) il y a de quoi pavoiser. New York Knicks vs Detroit Pistons donc, pas une affiche de prestige, mais de quoi bien se régaler quand même.

C’est en tous cas dans cet état d’esprit que je me suis rendu dans la capitale Anglaise. Et la première chose que j’y ai constaté, rapport à l’évènement, c’est qu’on pouvait difficilement parler de grande ferveur. Une malheureuse pub dans un magasin Foot Locker, la boutique Adidas d’Oxford Street qui avait sorti quelques maillots dans ses rayons (avec 30% de soldes pour les produits estampillés Pistons, nada pour ceux des Knicks, et oui…), et c’était tout. Quand je vous disais qu’outre-manche on était assez peu branché basket…

Mais qu’à cela ne tienne, ça n’allait pas m’empêcher de profiter du spectacle. Le jeudi soir j’ai donc pris la Jubilee Line (oh le beau nom) jusqu’à North Greenwich pour me rendre à l’O2 Arena. Là, deux constats s’imposent immédiatement à moi. D’abord c’est grand. Tellement que ça en devient presque beau. Impressionnant en tous cas. Ensuite il y a un effort de déco. Affiches avec une présentation de chaque joueur (sans blague, est-ce que la maman de Steve Novak aurait cru qu’il aurait un jour une affiche géante de lui à Londres ?), maillots en vitrine avec des gars qui font des tricks avec des ballons… Bref une sympathique ambiance de kermesse basket.

Hélas le constat suivant est moins réjouissant : c’est la pire organisation que j’ai jamais vue pour faire rentrer le public. Pire qu’à Bercy. Des files interminables plus ou moins spontanées (heureusement que l’Anglais moyen n’est pas du genre gratteur), 45 minutes d’attente, le tout pour arriver dans un stade AUX 2/3 VIDE ! Sans blague il a fallu tout ce temps pour faire passer si peu de monde ?

Bon, pas grave, je finis tout de même par arriver à mon siège (en me félicitant d’avoir mangé avant, vu les effluves émanant des stands de nourriture). C’est haut, c’est assez à pic, mais on y voit quand même bien. Et le parquet, aux couleurs de l’évènement est plutôt joli. Je le sens bien ce coup là. Le public, logiquement à dominante british, est néanmoins assez international (j’ai des Allemands derrière moi, et ça parlait français pas loin dans la file d’attente). Il est aussi plutôt acquis aux Knicks à priori. On est loin du Madison Square Garden, mais il y a quand même une nette prédominance des casquettes et autres maillots estampillés Knicks (y compris pour les trois germains derrière moi). En même temps ça fait un moment que les Pistons ne font plus rêver grand monde.

Phénomène typique de ces matchs « délocalisés » (c’était pareil pour le match de pré-saison à Paris), on a aussi une bonne proportion de gens qui sont venus avec des tenues n’ayant rien à voir avec le match à venir. Pas mal de Lakers, un maillot alternatif du Thunder et un de Stephen Curry côte à côte (là on a du vrai fan les enfants)… Les gens viennent voir du basket NBA avant tout, pas une équipe en particulier.

C’est l’annonceur des Pistons, Mason, qui a fait le déplacement pour jouer les speakers, avec un ambianceur local en relais sur le terrain (il n’était pas mauvais mais son nom m’échappe complètement). Ce sont aussi la mascotte des Pistons, les pom-pom des Pistons et même les dunkeurs sur trampoline des Pistons qui ont fait le déplacement. NY fournit une équipe digne de ce nom, il ne faut pas en demander plus.

On a droit à quelques animations pour faire patienter le public avant le tip-off. Le hic c’est qu’entre la salle toujours à moitié vide, la mascotte qui fait un tour piqué au show des Harlem Globe-trotters (un cercle de gens tenant sans chaise) et les dunkeurs qui foirent une acrobatie sur deux, ce n’est pas une franche réussite. En fait ça craint même un peu, surtout avec la joie forcée du MC en arrière-plan. Heureusement ça va vite s’améliorer.

L’arrivée des joueurs pour l’échauffement pré-match réveille tout le monde. Mais surtout ça prépare la suite. On a droit aux hymnes (Star Spangled Banner pour les USA puis God Save The Queen pour la Grande Bretagne). Oui, c’est du taratata zim boum mais j’aime bien le petit côté cérémonial que ça confère à l’évènement. Et, phénomène amusant, l’hymne US est non seulement respecté (on a un silence de cathédrale) mais applaudi vigoureusement, presque autant que dans un stade US. Au même moment en plus (juste avant le crescendo final « over the land of the free and the home of the braves »). L’Angleterre 51ème état ?

Puis vient la présentation des équipes, et là la NBA a eu une idée de génie : recréer la présentation de chaque équipe à domicile. Musique spéciale, la vidéo sur l’écran géant, tout y est et c’est un régal. Jusque là encore un peu circonspect, je succombe à la magie. L’intro des Knicks, mêlant images de match et mise en scène façon streetball, est toujours un régal (et cette fois on y croit quand ils jouent les durs, pas comme l’année dernière). Pour les Pistons… ben ils font ce qu’ils peuvent avec Tayshaun Prince comme seul joueur pour faire rêver. Mais il y a un bel effort et on est entraîné presque malgré soi. Prince est d’ailleurs le plus applaudi (désolé Brandon Knight et Greg Monroe). Mais bien moins que Melo, of course.

On enchaîne sur petite annonce au micro par Stoudemire et Prince pour dire que tout le monde est content d’être là (avec trois essais avant d’avoir du son, STAT qui en profite pour finir sur un « Go Knicks », et Prince qui lui ne finit pas car le micro rend l’âme après deux phrase, il y a encore des progrès à faire). L’arbitre rate son premier essai pour l’entre-deux, mais après cet ultime couac, on est partis.

Et bien partis. Le match sera à sens unique (en même temps il fallait s’y attendre) mais plaisant de bout en bout. On a même droit à un petit come-back des Pistons en 3ème quart-temps, profitant d’une certaine suffisance des Knicks en attaque (trop de trois points paresseux) et d’un coupable relâchement défensif. Les animations des temps morts sont beaucoup plus réussies que la mise en bouche le laissait espérer (une fois réglés les dunkeurs sont beaucoup plus impressionnants). Seul le mini-concert de Misha B (une gloire locale) à la mi-temps laisse à désirer. Elle ne fiche pas grand-chose à part se déhancher en play-back, et le son est horrible.

On notera quelques détails amusants. Ainsi si les équipes font preuve d’un engagement exemplaire (c’est un vrai match, pas de la pré-saison, et c’est joué comme tel), l’ambiance dans la salle est bizarre. L’O2 est plutôt acquise aux Knicks (ça applaudit plus fort quand ils marquent que quand ce sont les Pistons), mais ça reste relatif. On a jamais de DE-FENSE (malgré les louables tentatives de quelques fans a priori passablement éméchés), ça n’applaudit pas sur les phases défensives réussies (je me suis senti très seul à crier ou taper dans les mains sur certains rebonds). Et globalement, même si ça fait moins de bruit, Detroit est applaudi sur chaque action réussie en attaque (ce fut donc rare en première mi-temps). Idem pas de huées quand un joueur est au lancer-franc, et des acclamations si c’est réussi, peu importe l’équipe. Will Bynum deviendra même le chouchou inattendu de la salle grâce à ses pénétrations rapides et ses lay-ups.

Mais le plus marrant c’est que Mason (annonceur des Pistons donc) a un mal fou à garder un semblant de neutralité. Au début il se tient, mais assez vite il s’enthousiasme plus quand « son » équipe marque, appelle les Pistons par leurs surnoms (Will « The Thrill » Bynuim, et surtout Greg « The Moose » Monroe ? Vraiment ?) et chambre gentiment quand il s’agit de nommer les Knicks (IMAN SHUM-pert). Ajoutez à cela le fait qu’il n’y a de la musique d’ambiance QUE sur les phases offensives des Pistons (sauf à la toute fin du match) et on a l’impression que si le public est plutôt New-yorkais, la présentation est elle 100% made in Detroit. Un contraste marrant, comme s’il avait fallu donner un coup de pouce aux Pistons contre des Knicks qui n’en avaient pas besoin.

Et sinon niveau basket, que retenir ? Que les Knicks restent solides malgré du moins bien en défense par moment (baisse d’intensité qui se paye cash, et une tendance à trop aider côté faible qui laisse un shooter trop libre à l’opposé). Ils abusent aussi des trois points, mais finissent par s’arrêter quand la réussite les fuit trop. Melo force peu mais est parfois maladroit (il a raté quelques paniers tout cuits). Iman Shumpert, qui faisait son retour après sa blessure l’an dernier a montré de belles choses. Il manque clairement de repères sur le terrain mais fait preuve d’une bonne volonté et d’un engagement exemplaires en défense. Et en attaque il se contente souvent de judicieux catch and shoot (2/3) et évite ses tirs forcés en sortie de dribble (0/1).

Amar’e Stoudemire est plus décevant. Il est toujours aussi nul en défense, et n’a même pas l’air de faire d’efforts particuliers (sauf un rebond une fois de temps en temps, comme avant quoi). En attaque Woodson a en partie résolu le problème de sa complémentarité avec Melo en ne les faisant presque jamais jouer ensemble. Stoud joue le 6ème homme de (super)luxe. Mais en prêtant plus attention on réalise que le VRAI problème c’est la cohabitation du trio Melo/STAT/Chandler. Melo/STAT avec ce dernier en pivot et Anthony en power ou small forward (et Novak en plus dans ce cas) ça marche plutôt bien (en attaque, en défense ça prend l’eau). Melo et Chandler ça tourne du tonnerre.

Mais STAT/Chandler/Melo ça ne colle pas car Amar’e apparait paumé, ne sachant pas où se mettre et se contentant de roder à mi-distance pour prendre des shoots que la défense lui donne volontiers (à noter qu’on n’a jamais vu Stoudemire et Chandler ensemble sans Melo au cours du match). Et on ne m’ôtera pas de l’idée que quand STAT a pris sa cinquième faute, Woodson a été bien heureux de le coller sur le banc sans espoir de retour tandis qu’il remettait Chandler (4 fautes) sur le terrain pour la fin du match. On a aussi pu apprécier à quel point Stoudemire a bénéficié de sa réputation de finisseur pour obtenir un nombre impressionnant de lancers-francs (parfois discutables). Mais il a su capitaliser dessus, reconnaissons-le.

Côté Detroit ben c’est la misère. Brandon Knight a été inexistant (à peu près comme Stuckey). Monroe tourne à blanc. Andre Drummond est trop fruste en attaque pour le moment. Prince fait ce qu’il peut mais n’est pas un franchise player. Kyle Singler est un shooter assez intéressant (contrairement à Charlie Villanueva dont le shoot tout plat et à contre temps est horrible à voir). Et Will Bynum était dans un bon soir. C’est tout. Bref les Pistons sont à leur place au classement vu leur jeu.

En fin de compte cette soirée de basket londonienne fut donc une expérience agréable, et on ne peut que se féliciter que la NBA ait cette fois envoyé au moins une bonne équipe. Les quelques couacs dans l’organisation n’auront en rien gâché la fête, et on ne peut qu’espérer que cette belle initiative devienne une véritable tradition. God save the queen !

Jeffzewanderer

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